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L'écritoire du baladin
L'écritoire du baladin
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13 septembre 2009

Jour d’orage en vacances

C’est en riant qu’ils descendent l’escalier du petit hôtel où ils sont depuis deux jours. Avec ses deux étoiles, il n’est pas luxueux, mais suffisamment confortable pour leur budget. Ils rient comme des gosses, parce qu’avant de descendre, Claudine a caché les sandales de Paul au fond d’un sac et qu’il commençait à être en colère de ne pas les retrouver. Ils rient aussi tout simplement parce qu’ils sont heureux. Heureux de cette vie de couple qui n’a connue encore que peu de printemps. Heureux aussi pour ce matin parce qu’ils ont passé une merveilleuse nuit d’amoureux ; ils peuvent faire la grasse matinée, cela compense le manque de sommeil de la nuit.

Au rez-de-chaussée, ils trouvent les tables dressées sur la terrasse avec un magnifique buffet avec de belles couleurs Un grand café pour Paul qui a besoin de stimulant, et un thé pour Claudine qui revendique la douceur. Tandis que Claudine se compose une sélection de fruits et de yaourt pour accompagner son croissant, Paul n’hésite pas à se faire un plateau solide de fromages, charcuteries et plein de bonnes choses, un vrai repas.

Claudine tend son visage vers le soleil, il est déjà chaud, très chaud. De leur table ils aperçoivent un bout du bassin d’Arcachon, presque une tranche. Paul en s’asseyant, demande à Claudine :

- Ça va, tu es en forme ce matin ?

- Oh, pas du tout.

- Qu’est-ce qu’il y a, quelque chose ne va pas ?

- Je me sens très fatiguée.

- Tu m’inquiète, tu es malade ?

- Malade, non pas vraiment, mais il y a un mec qui m’a empêchée de dormir une bonne partie de la nuit.

- Idiote, tu m’as fait peur ! Parce que moi c’est pareil, il y a une petite femme qui n’a pas arrêté de me faire des chatouilles et des tas d’autres choses délicieuses.

- Tu crois que nous n’avons pas été trop bruyant hier au soir, à un moment j’ai pensé aux voisins, nous les avons peut-être dérangé.

- Bof ! Ils faisaient peut-être la même chose que nous. Et puis si nous avons fait du bruit, c’est de ta faute !

- Non mais quel toupet ! Moi, je voulais seulement dormir tranquillement hier au soir.

- Oh la menteuse ! Oh l’hypocrite ! C’est toi qui as commencé.

- Menteur, c’est toi, tu es venu me faire des tas de caresses et qui m’ a entraînée dans la calinade.

- Non c’est toi qui t’es promenée en petite tenue pour me faire du charme.

- Et oui, et ça a bien marché ! Tra là là!

- Je suis heureux que nous soyons en vacances. Quel programme pour aujourd’hui ?

- Je te propose : Une balade à pied vers le bassin. Un petit restaurant au bord de l’eau. Une partie de bronzage sur la plage. La route jusqu’à Biarritz. Ce soir nous pourrions camper pour faire des économies. Est-ce que les propositions de ton agence de voyage te conviennent ?

- Oui, c’est parfait, mais il n’est pas prévu de pause câlin.

- Espèce de mâle obsédé ! Les câlins c’est seulement les jours pairs ! J’espère qu’il fera beau temps.

- Pourquoi, tu penses qu’il va pleuvoir ? Le ciel est tout bleu.

- Ce matin l’hôtelière m’a dit qu’ils annonçaient des orages.

- On verra bien. Il est bon ce buffet, je vais en reprendre encore un peu.

- Arrête, je ne veux pas te voir trop gros. Je t’aime comme tu es : Sans graisse !

Paul et Claudine finissent leur déjeuner en mangeant les dernières miettes du croissant et en continuant leur bavardage. Puis, dans la chambre, ils bouclent leurs deux sacs de voyage et les portent dans leur petite voiture. Petite voiture qu’ils aiment particulièrement, parce que achetée d’occasion avec le petit budget de leurs petites économies de début de carrière. Paul passe régler la note et saluer l’hôtelière qui lui demande en souriant :

- Vous avez bien dormi ?

Paul balbutie un -oui très bien- en se demandant si les voisins n’avaient pas fait de remarques à cette dame.

Claudine l’attend devant le porche, et en se tenant par l’épaule ils partent en promenade en laissant la voiture au parking de l’hôtel. Ils aiment beaucoup ces petites promenades d’amoureux. Le pas est lent, ils parlent peu, juste pour partager un sentiment sur la beauté du paysage, ils savourent l’instant présent. Ils regarde l’eau du bassin d’Arcachon, la marée est basse et découvre de longues bandes de sable gris. Ils reparlent aussi du plateau de coquillages qu’ils ont dégusté hier au soir. Depuis trois jours qu’ils sont partis, leur voyage commence à devenir un périple gastronomique.

Sur la jetée qui longe la plage, ils aperçoivent un couple avec deux enfants, dont un bébé dans une poussette. Ils les regardent d’un air amusé disent quelques mots aux parents. En se serrant un peu plus près de Paul, Claudine lui demande :

- Quand est-ce que l’on aura ce modèle de voiture Paul ?

- L’année prochaine, peut-être. Est-ce que tu te souviens comment il faut faire ?

- Non pas du tout, mais on achètera un livre ! Mais en as-tu vraiment envie ?

- Oui, j’apprécie ces premières années de notre mariage où nous vivons pour nous deux, pour être ensemble. Mais comme toi, je pense que nous devons maintenant construire une famille. Je pense que notre vie ne sera pas réussie sans cela.

- J’aime quand je sens que nous sommes en harmonie, cela me rassure. Tu es gentil, je suis sure que tu seras un papa formidable.

- Merci, je pense que cela va bouleverser notre quotidien, mais je n’attends que cela. Combien en veux-tu ? Six ou sept ?

- Idiot, quand nous aurons deux petits autour de nous, ce sera très bien. Qu’en penses-tu ?

- Tu as raison, une fille et un garçon.

- Ça mon petit père ça ne dépend que de toi, pas de la maman.

- Il faut que je retrouve la notice : Comment faire un garçon à coup sûr !

- je crois que nous ferons comme tout le monde, on prendra avec bonheur ce qui se présentera.

- Bien sûr, et si c’est une fille, je veux absolument qu’elle te ressemble.

- Pourquoi, tu lui veux du mal ?

- Sotte, je veux qu’elle soit aussi jolie que sa maman que j’aime beaucoup.

Sur ces mots, Claudine se serre un peu vers Paul et lui glisse un baiser dans le cou. Pendant ces gestes tendres, ils se sont arrêté pour regarder des bateaux de pêche qui évoluent, pas trop loin de la côte. Juste à coté, il y a un restaurant avec terrasse qui propose un menu pas trop cher avec des alternatives attrayantes. Après une très brève concertation, ils s’installent sur à une table bien exposée et ils commandent une petite bouteille de rosé. Le serveur vient prendre leur commande en leur disant :

- Profitons du soleil pendant qu’il est là !

- Pourquoi, il fait beau, vous pensez que l’on va avoir de l’orage ?

- C’est ce qu’ils disent depuis ce matin à la météo. Risque d’orages violents.

Pour le moment, ils apprécient ce jour de juillet le temps est vraiment très beau sur le bassin d’Arcachon, très lourd. Une de ces journées que l’on déguste sous le poids du soleil à la terrasse de ce petit restaurant sympathique. Une belle assiette de crudités, un poisson grillé arrosé d’un rosé légèrement pétillant. C’est une belle journée de vacances.

Pendant le repas, ils parlent de la suite de leur voyage. Deux jour plus au sud pour visiter et profiter des plages. Puis ce sera le pays basque qu’ils ne connaissent pas. En parlant de pays basque, Paul émet l’hypothèse :

- J’aimerai bien aller jusqu’à Irouléguy.

- C’est où, je n’ai jamais entendu parler de cet endroit !

- Oh, c’est un tout petit village dans une vallée près de Saint Jean Pied de port, au pied des Pyrénées.

- Et qu’est qu’on trouve de particulier dans ce village ?

- Irouléguy, c’est une appellation d’un vin très particulier et parait-il délicieux.

- Ah, ça ne m’étonne pas, c’est pour le vin que tu veux aller visiter ce village. Alcoolique !

- Non, ce n’est pas vrai, je ne suis pas alcoolique, par contre j’aime bien le bon vin. Et je crois que tu vas apprécier leur vin blanc, et c’est du bio !.

- S’il y a du vin blanc, et si en plus il est bio, alors d’accord pour le voyage ! Qui est-ce qui t’a donné l’adresse ?

- C’est mon père, il m’a même précisé d’aller au Domaine Arretxea, c’est parait-il le meilleur.

Ils poursuivent le repas, léger et délicieux servi par une jeune femme très souriante. En arrivant au dessert, Paul se penche vers Claudine en lui prenant la main :

- Tu sais, ce que nous disions tout à l’heure, le bébé. Est-ce que tu penses que si nous le mettions en route à l’automne se serait bien ?

- Cela me fait plaisir que tu en parle. Oui, ce serait une bonne période, qui ne posera pas trop de problèmes pour mon boulot. Est-ce que toi tu es prêt pour cette aventure ?

- Oui, en fait j’y pense souvent !

- Moi aussi. Ainsi, nous aurons des prochaines vacances bien occupées.

- Nous ferons notre apprentissage. J’en connais une qui va être contente !

- Qui ça ?

- Ta maman, je crois que depuis qu’on est mariés, elle ne pense qu’a ça !

- Je crois que la tienne aussi sera ravie.

- C’est sûr !

La serveuse leur coupe la conversation, en apportant la note, et en leur demandant si le repas leur a plu.

Repas terminé, les rabanes étalées sur le sable de la plage, ils sont prêts pour une petite sieste au soleil. Le soleil, il est chaud, vraiment très chaud. D’ailleurs le temps devient lourd, pénible. Ils ressentent dans leur corps le déficit de pression atmosphérique. Claudine se tourne vers Paul :

– Regarde là-bas, le ciel s’assombrit.

En effet une bande grise avec des tons violacés se forme à l’horizon de l’océan. Ils somnolent encore un peu. Une paupière se relève pour laisser passer un peu de lumière et le cerveau e Paul constate que le gris de l’horizon a encore noirci et que le bleu du ciel s’estompe. Il prend une de ces couleurs étranges de bleu, de gris, de mauve. Les couleurs se séparent, se mêlent vont et viennent, foisonnent. Parfois une bande de nuage passe devant le soleil et calme sa brûlure. Puis, rapidement le soleil cède derrière un nuage plus épais et la plage devient triste, inhospitalière. Les ondes électriques perçues disent que l’orage arrive, qu’il vient vers eux.

- Nous devrions reprendre la route.

Dit Claudine en pensant à l’objectif de la petite ville près de Biarritz où ils doivent passer la nuit. Paul lui réponds : tu as raison, roulons avant l’orage. Les affaires sont vite pliées et ils rejoignent la vielle et fidèle voiture. Quelques zigzags dans les rue d’Arcachon et ils laissent les dernières maisons pour entrer dans cette route rectiligne qui traverse la forêt landaise.

Maintenant le ciel est uniformément noir et au delà du ronflement du moteur ils perçoivent les coups de tonnerre et les premiers éclairs hachent le ciel de blessures bleutées. Le vent s’est levé avec force, sans transitions, il est là puissant. D’un coup les arbustes de bord de route se plient et se tordent sous ce vent qui s’accélère de minute en minute.

Les grands sapins plient, et commencent à gémir de longues plaintes. Le vent tourne en bourrasque et les premières gouttes grosses comme des noisettes viennent éclater sur le pare brise en surprenantes éclaboussures. Malgré un sentiment d’inquiétude, ils continuent la route calmement, tranquillement. Tranquilles, enfin presque, car un mauvais pressentiment s’empare d’eux. Il n’est que 16 heures 30 et il fait pratiquement nuit. Ils ralentissent encore car la pluie inonde les vitres et le faible essuie glace a fort à faire. Feux allumés une voiture blanche croise leur route.

Un choc sur le pare brise. Plus sec plus violent.

- C’est quoi ? Demande Paul.

- Je crois que c’est un morceau de bois.

Répond Claudine. La route s’enfonce dans ce tunnel sombre, humide. Mais ce tunnel est mobile devant eux et au rythme du fracas du tonnerre, de cette pluie massive, le vent le déforme et mobilise toute leur attention. Ils ne parlent pas, ils regardent, surpris, tendus. La route est jonchée de bouts de branches qui tombent maintenant régulièrement. Un choc comme amorti juste au dessus de nos têtes. Une branche rebondit sur la capote de la voiture. Regards rapides, la toile n’est pas percée.

Au passage d’une clairière le vent les attendait pour lancer son souffle au travers de la route. Écart, balancement, une forme de peur s’installe. Des branches plus grosses tombent, ils les évitent. Dans ce tunnel de végétation la visibilité est faible. Une masse sombre, là juste devant eux. Un arbre. La bourrasque l’a déraciné et sa pointe est là à quelques mètres. Freinage fort, écart sur la route délavée, Paul contourne sa pointe sur le bas coté et reprends un peu de vitesse. Ils ne peuvent pas rester là.

- Nous allons nous faire assommer tremble Claudine !

Le danger est là devant eux. Imminent.  Faire demi-tour serait aussi dangereux, alors Paul accélère tant que la modeste voiture le peut. Les branches au sol, la pluie, le vent qui agite les arbres, l’obscurité, les fantômes de la forêt sont là.

D’un coup la forêt s’arrête, plus d’arbres. Une coupe blanche a due être faite au printemps. Paul arrête la voitures sur le coté. Dans ce large couloir déboisé le vent s’engouffre et les balance. La situation reste préoccupante, mais ici, ils sentent qu’ils ne risquent pas de chute de branches. Ils se regardent pâles, inquiets. Le bruit d’ambiance fort comme les roulements des tambours d’une fanfare lointaine accompagne leur attente. Les minutes passent, longues, pesantes.

Le bruit change, du crescendo il passe maintenant au moderato. L’orage est venu rapidement, violemment, il s’arrête de même. En dix minutes le calme s’installe comme une trêve après une bataille. Ils aperçoivent les derniers soubresauts de l’orage sur les arbres les plus proches. Ce calme après la tempête est presque aussi inquiétant, aussi pesant, ils hésitent. Puis après avoir évalué les risques, Paul décide de repartir lentement. De nouveau la forêt. La route est verte de branchages, la voiture cahote. Encore un arbre couché qu’ils contournent. Le ciel est maintenant un peu plus clair. Une maison, une autre, ils arrivent dans un village. Ouf ! Là à la sortie d’un virage un homme fait de grands signes. Freinage, arrêt. Quelques mètres plus loin un gros arbre sans doute centenaire à été déraciné et projeté en travers de la route. Plus question de continuer, c’est la seule rue du village. Ils posent la voiture sur une placette. Un café hôtel est là sombre. Ici comme dans toute la région l’électricité est coupée. L’hôtel a une chambre disponible, ils la prennent. Assez d’émotions pour aujourd’hui, demain sera un autre jour, plus calme…

La chambre est modeste, mais compte tenu de la situation, ils sont très contents de l’avoir trouvée sans problèmes. Avant le repas, ils font un petit tour à pied dans le village, et ils constatent les dégâts. Des tuiles arrachées, des arbres déracinés, même le toit d’un hangar soulevé et posé dans le champ à coté. C’est impressionnant. De retour à l’hôtel ils retrouvent d’autres couples, qui comme eux sont bloqués par l’arbre sur la route. Ils bavardent un moment entre eux, parlent de l’orage, de leurs projets de vacances. L’hôtelier, un homme tout rond et jovial, s’approche d’eux et leur dit :

- Pour le repas, je ne vous propose qu’un buffet de crudités arrosé d’un rosé. Je n’ai plus d’électricité, est-ce que cela vous convient ?

En chœur, tous répondent :

- Ce sera parfait !

Et effectivement, ils font un repas parfait, fait de crudités très fraîches, et une grande variété de charcuteries locales, délicieuses. Comme ils eu tous très peur, en réaction, les langues se délient et tout le petit groupe bavarde comme s’ils étaient une bande de vieux copains. Pendant le repas, l’hôtelier, soulagé de n’avoir pas eu trop de dégâts sur sa maison se joint à eux et leur parle du pays, des landes, de la forêt, des champignons. Encore un amoureux de sa terre, fait remarquer Paul. Repas terminé, ils se promènent tous ensemble dans le village en bavardant. Devant une maison, les hommes donnent un coup de main pour dégager un arbre tombé en travers d’une allée. Puis chacun regagne sa chambre en se disant que parfois le malheur permet de nouvelles rencontres.

En prenant leur temps, Claudine et Paul s’allongent après cette journée particulièrement stressante. Ils restent un long moment, la tête de Claudine nichée dans l’épaule de son homme. Progressivement, ils entendent des petits bruit dans la chambre d’à coté. Puis les bruits se précisent, rythmés et Paul dit à Claudine :

- Écoute !

- Oh, les coquins, ils pourraient être plus discrets.

- Tu veux qu’on fasse pareil ?

- Non, mon chéri, pas ce soir, je suis trop fatiguée.

- Oui, mais pour le bébé, nous devrions commencer notre entraînement tout de suite.

Mais les murs n’ayant pas d’oreilles, ils n’ont pas pu entendre la réponse.

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Commentaires
C
Belle histoire !
P
cela m'a réellement transportée ailleurs...<br /> Très mignon.<br /> Merci....<br /> J'ai ajouté qqs photos du Mexique sur mon blog...<br /> A bientôt<br /> Patricia
L'écritoire du baladin
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