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L'écritoire du baladin
L'écritoire du baladin
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23 septembre 2011

Grignote et les noisettes

 

En cette fin d'été, le soleil est encore chaud, mais un petit air venu du nord rafraîchit le pelage de Grignote. Grignote, c'est un bel écureuil. Son pelage est brun foncé sur son dos, un peu plus clair sur son ventre. Il a, comme tous les écureuils, une belle queue en panache et des petits yeux tout ronds sous ses oreilles pointues. Il est bien sur sa branche, il regarde le jardinet où Pépé Pierre est en train de ramasser des pommes de terre avec son petit-fils.

- Allez Mathieu, mets les pommes de terre dans le panier !

Mathieu regarde son grand-père lever sur sa bêche une grosse motte de terre d’où tombe tout un chapelet de belles pommes de terre rouges.

- Bravo Pépé ! dit Mathieu en tapant dans ses mains.

L’éclat de rire du grand-père fait sursauter Grignote qui aime bien regarder les humains vivre dans leur domaine naturel. Ce serait dommage de les mettre en cage, se dit-il. Mais un courant d'air plus frais le rappelle à la raison. La saison avance, se dit-il et il va être temps de faire des provisions.

En quelques bonds, Grignote est passé de branche en branche, d'arbre en arbre et a regagné son appartement. C'est ainsi qu'il appelle son vieux gros châtaignier tout creux où il vit avec sa famille. Sa femme, Grignette, l’a parfaitement aménagé avec des branches, des brindilles, des feuilles de lierre et même quelques fleurs sauvages. C'est le plus bel appartement d'écureuil à cent lieues à la ronde. Grignote et Grignette ont deux enfants, Grignoton et Grignotone. Ils sont très beaux et très sages. Enfin, pas toujours, car souvent ils font des sottises qui font peur à leurs parents, surtout Grignoton qui est un casse-cou.

Quand Grignote arrive à l'appartement, il voit Grignette qui termine ses travaux ménagers. Il la regarde un instant, comme elle est belle !

- Dis donc Grignette, je sens l'air froid qui arrive, il est temps que je fasse des provisions pour cet hiver. Je vais aller vers le grand buisson rond, pour y cueillir des noisettes. Où ai-je encore rangé ma musette… ah ! La voici !

- Tu as raison Grignote, fais-en une bonne provision parce que les enfants mangent de plus en plus. Si tu en trouves, rapporte-moi aussi quelques feuilles de saule fraîches pour le repas de ce soir.

Assise sur son banc devant la fenêtre, elle regarde partir Grignote en souriant. Comme il est fort, comme il est beau, se dit-elle. À Grignoton qui passe par là, elle dit :

- Tu vois, l'année prochaine, tu pourras aller avec papa faire des provisions.

- Mais, maman, je pourrais bien y aller cette année, parce que je suis déjà grand, un petit peu grand.

- Non mon chéri, pas encore cette année, mais l'année prochaine c'est promis.

- Moi je pourrai aussi ? demande Grignotone de sa voix fluette. Grignoton la regarde et dit en haussant les épaules :

- Non ! Les provisions, c'est les garçons qui les font. Les filles s'occupent de la maison ! Grignette se lève de son banc et lui attrape l'oreille :

- Dis donc tu te crois où ? Les filles peuvent bien faire les provisions et les garçons le ménage. D'ailleurs, tu vas vite filer dans la salle à manger pour enlever les toiles d’araignées.

Tête basse, Grignoton entre dans l'appartement armé d'un plumeau fait de branches de buis.

Pendant ce temps, Grignote est arrivé au buisson rond. C'est ici que les noisettes sont les meilleures, douces et croquantes. De la branche d'un frêne il regarde le buisson et là que voit-il ? Stupeur ! Des enfants sont en train de manger les noisettes, ses noisettes. Ah, non ! Ce n’est pas juste, ce sont les miennes ! Mais que peut faire un écureuil face à trois enfants ?

Voyant une abeille passer, Grignote lui fait un petit signe. Bibi l'abeille s'arrête :

- Bonjour Grignote, est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ?

- Oui certainement, le problème c'est que je voulais cueillir des noisettes, mais les enfants sont en train de me les voler.

- Attends une minute, je vais m'occuper de cela. Bibi s’envole et moins d'une minute plus tard, elle revient avec tout un groupe d'abeilles qui font un bruit étrange et sourd. Les abeilles volent maintenant autour des visages des enfants qui effrayés partent en courant et en oubliant les noisettes sur le bord du chemin. Bibi et ses amis retournent bien vite faire leur travail et butiner les fleurs.

- Au revoir Grignote, fais une belle cueillette.

- Merci Bibi, merci les abeilles, je vous souhaite une belle journée et du bon miel.

Grignote se dépêche pendant que le coin est tranquille. Il a vite fait de remplir sa musette en prenant bien soin de choisir les plus jolies noisettes et les plus tendres pour que les jeunes dents des enfants puissent les croquer. Rapidement, il va vers le saule derrière le buisson. Là il choisit, il trie les plus jolies feuilles vert pâle, bien fraîches pour que Grignette puisse préparer un délicieux souper. Enfin, avec sa musette bien pleine et bien lourde, il se met en chemin pour rentrer à l'appartement.

Sur le chemin, il passe près d'une maison, et comme il vient juste de contourner la haie, il se trouve museau à museau avec un gros chat noir très hargneux. Les yeux du gros matou sont dilatés, il grogne, il a sorti ses griffes et surtout ses poils sont tout hérissés. Effrayé, Grignote grimpe dans la haie, saute sur la branche d'un pommier, souffle un peu, prend une noisette de sa musette et la jette sur le museau du chat. Et là, c'est le chat qui part en courant. Grignote poursuit son chemin en rigolant. Il saute d'arbre en arbre, il aime bien passer sur les érables où quelquefois perle une goutte de sève au bon goût sucré. Par contre, il n'aime guère passer sur les sapins ou les aiguilles trop pointues lui font des chatouilles et lui piquent les pattes.

En traversant un platane sur le bord d'un jardin, il voit un vieux monsieur qui soigne ses légumes. Grignote s'arrête un moment pour le regarder. Le vieux monsieur l’a vu et arrête son ouvrage.

- Eh ! Bonjour Grignote, tu es en promenade, comment vas-tu aujourd'hui ?

Grignote hoche la tête, comme tous les écureuils, pour lui dire que tout va bien. Amusé, il regarde le vieux monsieur qui prend une noix dans sa poche, la casse, pose les cerneaux sur une table et se retire au fond du jardin. Grignote descend, pose sa musette, attrape la noix et la mange. Elle est délicieuse. Il voit le vieux monsieur qui rit de son bonheur au fond du jardin. Les dernières miettes de la noix avalées, il reprend sa musette et après avoir fait un grand signe de merci avec sa queue empanachée, repart dans le platane poursuivre sa route. Il entend derrière lui :

- Au revoir Grignote, reviens quand tu veux, j'ai encore d'autres belles noix.

Il faut bien dire que quand Grignote arrive à l'appartement, tout le monde est émerveillé à la vue de la musette bien remplie. Grignote brandit en riant le bouquet de feuilles de saule :

- Et ça, c’est pour qui ?

Grignette est très contente qu'il ait pensé à elle. Elle lui fait un gros bisou sur la moustache.

- Tu es un amour d'écureuil, mon Grignote !

Pendant ce temps, Grignoton et Grignotone tapent des mains et dansent :

- On peut en goûter une ? On peut en goûter une ?

- Allez, en voilà trois chacun, trois pour votre maman et le reste, je le mets dans le placard au fond du couloir. Nous aurons de belles réserves pour cet hiver. Comme je suis un peu fatigué, nous partons tous ensemble vers l'étang. Là je pourrai me reposer avec maman et vous les enfants, vous pourrez vous baigner. Il entend deux « oui » bien aigus qui résonnent jusqu'au sommet de l'arbre. La porte de l'appartement est refermée et ils partent en sautant de branche en branche. Ils passent d'abord sur un arbre qui a de toutes petites épines souples.

- Comment s'appelle cet arbre ? demande Grignotone qui joue avec une touffe d'épines du bout de sa patte.

- C'est un mélèze. C'est un des rares conifères qui perd ses épines à l'automne et qui les fait repousser au printemps.

- C'est quoi un conifère ? demande Grignoton qui lui aussi s'est arrêté pour écouter la réponse.

- Ce sont tous ces arbres qui ont des feuilles dures et pointues comme les sapins, les pins, les cèdres, les épicéas et beaucoup d'autres. On dit qu'ils ont un feuillage persistant.

- Mais les sapins de Noël, eux, ils perdent leurs épines après les fêtes.

- Mais Grignoton si les sapins de Noël perdent leurs feuilles après Noël, c'est hélas parce qu'ils sont morts parce qu'on les a coupés.

Papa pédagogue, Grignote aime bien expliquer. Avec sa famille, ils poursuivent leur chemin en s'arrêtant vers les bouleaux à la peau blanche, vers les érables, les platanes et les cerisiers sauvages. Enfin, les voilà vers la clairière et l'étang. Ils s'installent sur une jolie plage de rêve garnie de mousse toute rase, bien douce avec des petites fleurs de ci, de là. Ils trouvent déjà installés sur la plage monsieur Picou et sa femme Piquette et leurs trois enfants dont le plus jeune boude, roulé en boule dans son coin. Il y a aussi la famille Musaraigne et leurs neuf enfants. Ceux-là, Grignote ne les aime pas beaucoup, aussi il se met un peu à l'écart. Il faut dire qu'ils ont la réputation de voler dans les réserves des autres… Alors on se méfie !

Les enfants sont déjà dans l'eau, ils font des vagues avec leur queue empanachée, ils se jettent de l'eau sur le museau, que c'est drôle ! Mais ils restent sous la surveillance attentive des mamans. Grignette et Piquette discutent, comme toutes les mères de famille.

- Ah vous, Madame Piquette, vous n'avez pas de souci pour trouver des aiguilles pour faire de la couture.

- Oh oui ! Des aiguilles j'en ai plein le dos. Et vous, Madame Grignette, j'admire vos vêtements. Quelle belle fourrure ! Quelle élégance ! Nous les hérissons, nos vêtements piquants nous posent vraiment des problèmes, en particulier pour faire des câlins aux enfants.

- Oui mais quand un chat vous agresse, vous pouvez vous mettre en boule et comme ça il fiche le camp. Nous, nous sommes obligés de vite grimper dans les branches, et c'est très dangereux.

- C'est sûr, les piquants, il y a aussi des avantages...

Pendant ce temps, Grignote et Picou commentent les dernières décisions politiques. Grignote est en train de feuilleter le journal de Monsieur Picou.

- Avez-vous lu cet article sur la nouvelle loi sur les produits chimiques : seuls les produits à base de ferramol seront utilisés contre les limaces dans les jardins.

- C'est une très bonne chose. Il donne un goût amer aux limaces, mais au moins elles ne sont plus empoisonnées. J'ai un cousin qui est mort ainsi l'an dernier.

Pendant que les parents discutent, les enfants, qui ont terminé leur partie de baignade, jouent à l'Accrobranche et font de la balançoire. Le fils Picou est en colère car il n'arrête pas de tomber. Il est vrai que pour ce jeu, c'est plus facile pour un écureuil que pour un hérisson. Chacun se salue car Grignote et sa famille veulent rentrer à la maison. Les voilà repartis de branche en branche, Grignoton et Grignotone sont toujours un peu en avance des parents car ils ont beaucoup plus de souplesse.

Ainsi ce sont eux qui, arrivés à l'appartement, crient aux parents :

- Papa, Maman, la porte est grande ouverte et tout est dérangé ! Grignette prend sa tête entre ses pattes tellement elle est horrifiée. Grignote est rouge de colère. Les meubles, les objets, tout est sens dessus dessous, et surtout le placard des réserves est grand ouvert et Grignote s'écrie :

- Tonnerre d'écureuil ! On nous a volé toutes les noisettes !

Grignotone pleure dans les bras de son frère. Grignette et Grignote essayent de se consoler. Mais ils se sentent très tristes.

- Mais qui a pu faire cela ?

- Moi non plus je ne comprends pas, Grignette, nous sommes les seuls dans le quartier à manger des noisettes. Allez nous allons tous nous remettre au travail pour ranger l'appartement et demain je retournerai chercher d'autres noisettes. Tiens, voilà notre ami le geai avec ses belles couleurs. Bonjour le geai, viens voir le malheur qui est arrivé chez nous.

- Oh là là quel désordre ! En fait Grignote, tout à l'heure j'étais sur la branche du vieux sapin là-haut et j'ai vu quelqu'un entrer chez vous. Vous savez, moi je n'aime pas dénoncer les gens, mais quand même, j'ai vu cet animal repartir avec un grand sac. Je ne sais pas si je dois vous dire...

- Alors le geai, tu es notre ami, cesse de tourner en rond, dis-nous qui tu as vu !

- Ben, ben c'était, je crois, il m'a semblé que, j'ai cru reconnaître Pistolette la fille de la famille de pies qui habite en haut du grand peuplier.

- Ah cette gamine elle a toujours été un peu délurée. Mais là c’en est trop. Si tu veux bien Grignette, reste à l'appartement avec les enfants, avec le geai nous allons rendre une petite visite à la famille des pies.

Aussitôt dit, l'écureuil et le geai partent à travers les branchages, jusqu'au nid des pies construit en brindilles au creux de trois branches.

- Hé Pipeau, hé Pipette, crie Grignote.

Les deux pies lèvent la tête de leur nid :

- Que se passe-t-il, qui crie ainsi ?

- Bonsoir Pipeau, bonsoir Pipette, c'est au sujet de votre fille Pistolette, elle ne vous aurait pas, par hasard, rapporté un gros sac de noisettes ?

- Si justement, je l'ai accroché à la branche là-bas. Vous savez, nous, les noisettes nous n'aimons pas cela !

- Et bien votre fille les a volées chez nous, et en même temps elle a mis tout notre appartement en désordre.

- Ah quelle gamine ! On ne s'en sortira jamais ! Je suis désolé Grignote pour tout ce dérangement. Mais cette petite, ça fait plusieurs fois qu’elle nous fait de telles bêtises en quelques jours.

- Que se passe-t-il donc ?

- Eh bien il y a deux semaines elle est allée à la ville avec sa tante elles se sont posées en haut d'un grand bâtiment où c'était marqué Opéra. Là, elles ont passé la soirée à écouter de la musique. Il y avait même des gens qui chantaient. Elles ont dit que c'était des chansons d'un certain Monsieur Rossini.

- Vous savez, moi je ne sais pas qui est ce monsieur, mais ce que je sais c'est que votre fille est une voleuse !

- Je suis vraiment désolé, nous vous demandons pardon, et pour garder votre amitié, venez, je vous offre un verre de sirop d'érable bien frais.

Grignote récupère sa musette de noisettes et rentre à l'appartement qui est déjà tout propre et bien rangé. À son arrivée, les enfants trépignent :

- Bravo papa c'est toi le plus fort, tu as rapporté toutes les noisettes. Bravo papa.

 

© Pierre Delphin - 21 août 2011

 

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Commentaires
M
Un beau texte pour ouvrir ce jour..<br /> J'ai aimé (sourire)<br /> Merci pour votre visite, que votre journée soit lumineuse.
H
...cette histoire, je n'attendrai pas que les quenottes de Raphael puissent croquer des noisettes pour la lui raconter ! Belle journée.<br /> Hélène
S
Bon dimanche à Grignote. Que c'est frais et tendre, ... encore !!
A
j'ai grignoté le fil de ce conte et suis restée perchée dans cette chaleureuse maison. Ah si tous les couples s'entendaient aussi bien !<br /> <br /> bonne soirée<br /> arielle
M
Je connais des petits-enfants qui vont être ravis d'écouter Papy leur raconter cette jolie histoire ! qu'en penses-tu ??? j'ai beaucoup aimé !<br /> Bon week-end - gros bisous<br /> Monelle
L'écritoire du baladin
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