Promenade en forêt
Depuis deux heures nous marchions dans cette forêt profonde. Allan qui marchait en tête ouvrait le passage à grands coups de catanier, cette grande serpe tranchante comme rasoir offerte par un sofhite lors d'un voyage en Arabie. Nous venions d’entrer dans l’inshandis, cette sorte de forêt humide, parfois marécageuse. Les insectes devenaient gênants, particulièrement les harreux qui nous laissaient des piqûres cuisantes derrière les oreilles. Dérangés par notre passage, deux wacapatous quittèrent leur nid posé au ras du sol, pour aller se poser d'un vol lourd, parfois imprécis, sur la cime des grands arbres. Quelques tasons et un métrésillon nous regardent un instant, intrigués de voir des individus tels que nous, troubler leur espace de vie. Mécontents, ils s'éloignèrent de notre route.
À l'orée d'une clairière, nous fûmes surpris de voir quatre braconniers, sans doute d'anciens chavreigneurs. Ils étaient en train de kraper des pourilles. Pauvres bêtes !
Allan s'arrêta brusquement. Il sortit de son sac un holigran, duquel il tira à une série de notes aiguës semblables aux cris du gros miaulard lorsqu'il est en colère. Affolé les quatre braconniers partirent en courant vers une piste qu’eux seuls connaissaient.
Nous nous approchâmes et nous eûmes beaucoup de mal à extraire la pauvre bête du frolequin où, elle était enfermée. Nous dûmes d'abord la brostiller avant de pouvoir la rastouper. Tel une choplie, l’animal se releva, et tout fleuribond, s'éloigna d’un pas vercheux au plus profond de la forêt.
Ce n'est que plus tard dans la journée que nous pûmes rencontrer quelques indigènes qui pratiquaient encore le cuvinage avec leurs récoltes de raisins sauvages. Avec eux, nous prîmes un moment de repos, assis sous un grand chastagneau. Un tapis de liobres recouvrait le sol de ses graciles fleurs mauves et roses. Deux indigènes vinrent à notre rencontre portant sur des branches entrelacées tel un paménal rustique des tranches appétissantes de bourchat plein de jus frais, à la senteur douce et citronnée.
Pierre Delphin – avril 2010