Blanche
Tu as beaucoup toussé cette nuit. Le jour est encore loin d’être levé et nous sommes auprès de toi pour te câliner, ta sœur dort à l’étage. On sent que tu n’es pas bien. On tente de te faire respirer un produit pour aider tes faibles bronches encombrées. Une gifle froide nous claque le dos. Tu deviens blanche, ta tête tombe ton regard s’éteint. Nous crions : Vite !
Un pantalon, une chemise, des chaussures, je suis prêt. Tiens bon mon bébé, mon petit ange. Si ta tête bouge un peu, ton regard souffre. Tiens bon, douze kilomètres, un quart d’heure, ce n’est pas beaucoup. Tiens bon, tu n’as que seize semaines, ce n’est pas le moment, tu n’as pas le droit, il te reste cent ans à vivre !
La route semble sans fin, je roule vite, mais pas trop, il faut sécuriser le voyage. Silence complet, l’inquiétude serre mon ventre. Mon cerveau est glacé, comme arrêté. Un bruit, comme un murmure, tu tousses ! Oui, tousse encore, pleure, crie, envoie-moi ces signaux de vie. Feu rouge, rien à droite, rien à gauche je passe. Les rues sont encore vides, encore deux minutes. Arrivée, freinage, ta maman saute de la voiture avec le panier qui contient son trésor, notre trésor. Je range la voiture, je cours. La porte est restée ouverte pour moi, j’entre. Une jeune femme, médecin est là elle t’ausculte, elle me sourit. Ses yeux me disent : ça va. Je te sens faible, la pression diminue en moi, je reste inquiet. Tu es là entre de bonnes mains. Tu es là entre des mains bonnes, elles t’auscultent avec science, elles te caressent pour t’apaiser, elles respectent la femme que tu deviendras.
Diagnostic : Bronchiolite. Elle était déjà diagnostiquée hier. Une confirmation. Ce sera un peu long, mais on sait soigner cela. La baudruche dans ma poitrine perd sa pression.
Je sors de l’hôpital, je téléphone des mots rassurants à Mamine.
Je prends le temps de pleurer.
L’incident est arrivé le 23 octobre 2009, Aujourd’hui Angelina va beaucoup mieux, la vie suit son cours, mais ma tête n’est plus la même.
© Pierre Delphin - octobre 2009