La petite fille qui rêvait en musique
Un rayon de soleil espiègle se glisse entre les bords des rideaux mal fermés et vient exciter ma pupille encore close. Trop tard ! Je suis réveillé. Je suis réveillé et mon rêve s’est échappé, comme souvent. Je m’étire, soulève un peu la tête et plouf, je retombe dans une torpeur de fin de sommeil pleine de douceur. Petit à petit, les idées se mettent en place et je prépare une sorte d’emploi du temps pour cette journée où ma seule mission est de m’occuper de mes deux petites filles. Dans la chambre à coté j’entends des petits cris étouffés : Pépé, Pépé!
Je saute du lit, ouvre vite la porte de la chambre contiguë et je vois ma Julia relevée sur son coude qui se frotte ses yeux de quatre ans. M’approchant d’elle en lui souriant, elle me dit :
- Pépé, je viens de faire de la musique.
- De la musique ?
- Oui, je chantais et Maman et Papa ils jouaient de la musique.
- Oh explique-moi cela. Attend, assied toi et fais moi une petite place à coté de toi.
- Mais j’étais où, pépé ?
- Ben je ne sais pas.
- Je crois que c’était un concert.
- Moi je crois que tu as fais un joli rêve.
- Alors, ce n’était pas vrai ? Dis, c’est quoi un rêve ?
- Un rêve, c’est une histoire qui ne se passe que dans sa tête pendant que l’on dort. Un rêve ce n’est vrai que pour celle qui le fait.
- Alors, c’était un petit peu vrai ?
- Bien sûr c’était vrai pour toi seulement, et si tu me raconte ce rêve, il sera vrai pour moi aussi.
- Oui, je vais te le raconter. Tu m’écoute Pépé ?
- Bien sûr que je t’écoute, nous avons tout notre temps, ta petite sœur dort encore. Dis-moi comment c’était là où tu chantais.
- C’était une grande salle, comme là où Maman a joué du violoncelle.
- Et toi, tu étais où ?
- Ben j’étais sur la scène avec Papa et Maman. Il y avait un grand micro.
- Tu chantais quoi ?
- J’ai chanté : Don’t cry Argentina. Papa jouait du piano et Maman à coté jouait du violoncelle. Elle me regardait tout le temps en souriant.
- Est-ce que tu avais peur quand tu chantais ?
- Ben non puisque Maman et Papa étais à coté de moi. Et puis je la sais bien cette chanson.
- Et il y avait beaucoup de monde qui t’écoutait ?
- Oui, beaucoup, beaucoup. Devant, il y avait toi et Mamine, Manou, Alexia et Papy. Angelina était sur les genoux de Manou. Il y avait aussi Tata Cécile avec Mathieu et Tonton Olivier.
- Et bien toute ta famille était là, mais est-ce qu’il y avait d’autres personnes ?
- Oui, beaucoup, mais je ne les connaissais pas.
- Quand tu as fini de chanter, est-ce qu’ils ont applaudit ?
- Il y en a qui se sont mis debout pour applaudir.
- Et toi, tu étais contente ?
- Oh oui, je crois que j’avais bien chanté.
- Qu’est-ce que tu as fais quand les gens applaudissait ?
- Je ne sais pas, je suis vite allé faire un bisou à Papa et Maman. Même que Maman elle pleurait un peu. Toi tu rigolais et tu m’envoyais des baisers !
- Et après ?
- Je ne sais pas, je crois que je me suis réveillée.
- Oui, c’est souvent comme cela que se termine les rêves.
- Mais, dis-moi Pépé, pourquoi on rêve ?
- C’est une question très difficile. Peut-être que l’on rêve à quelque chose que l’on a beaucoup envie ou à quelque chose qui nous fait très peur. Tu as vraiment envie de chanter sur une scène ?
- Oh oui, mais seulement s’il y a Maman et Papa. S’ils ne sont pas là, j’aurai trop peur. C’est parce que j’ai très envie que j’ai rêvé de chanter ?
- Oui sans doute, et puis cette nuit, ta tête avait sans doute envie de chanter pendant que tu dormais.
- Elle est toute bête ma tête ?
- Oh que non, mais pendant que tu dors, elle est libre, et elle fait comme elle veut. Tu sais, il y a des gens dont c’est le métier d’expliquer les rêves, ils s’appellent les psychiatres.
- Un siquiatre ça explique les rêves ?
- Oui, enfin, ils aident à les comprendre.
- Je pourrais être siquiatre quand je serai grande ?
- Pourquoi pas, tu serais une musicienne psychiatre !
- Non, je préfère être seulement musicienne, comme Papa et Maman.
- Tu as raison. Aller on va préparer le petit déjeuner pour nous deux et le biberon pour Angelina. Et pendant que je prépare, tu vas me chanter ta chanson.
- Oui, mais il n’y a pas Maman et Papa pour faire la musique.
- Tant pis, tu chanteras sans musique aujourd’hui !
- D’accord. Mais tu mets beaucoup de chocolat dans mon déjeuner !
En fait, c’est le Pépé qui a rêvé d’un tel dialogue !!!
Pierre Delphin - octobre 2009