Mon pote le gitan, je ne te connais pas. Pourtant nous venons d’avoir un moment de vie partagé. J’ai bien connu ton grand-père, en fait, c’est avec lui que j’étais pote. Un sacré bonhomme ton grand-père ! je m’en souviens. Mon pote le gitan, c’était un gars curieux. Une gueule toute noire et des carreaux tous bleus. Il restait des heures sans dire un seul mot assis près du poêle au fond du bistrot.
Toi t’es un peu comme lui, avec l’aide de ton père, tu peux dire que tu as reçu une bonne éducation. Tu le montre chaque jour, tu as du tempérament et surtout du talent. Bravo mec !
Cette semaine, tu es passé à la maison. Bon dieu, on te l’avait bien dit que j’étais absent avec ma douce, on était parti se faire réduire la bedaine dans une thalasso. Comment, tu dis que tu le savais ! Ben merde alors, pourquoi tu es passé ? On n’a même pas pu prendre une bière ensemble. Tu ne vas pas me dire que tu es devenu insensible à la Kronenbourg. Quoi ! Tu me dis que tu as fait exprès de passer en notre absence. T’es gonflé. Tu me demande comment j’ai su que tu étais passé, c’est simple, c’est Bébert le grand flic blond avec des chaussures noires, oui, les deux. Tu sais c’est celui qu’a les cheveux qui tiennent droit sur sa tête, il se met un grand coup de Gomina comme le faisait ton grand-père. Oui, je sais, ton grand-père avait les yeux plaqués. Là, il a pas hésité le Bébert. Quand il a vu ma lourde, il a dit : .ça, c’est du boulot de Bébert ! Et je te jure qu’il avait un regard admiratif. Là le grand-père, mon pote, il aurait été vachement joice. Tu sais comme il est le Bébert, il sait reconnaitre les bons professionnels. Même s’il est parfois bourru et casse pied, ce n’est pas vraiment le mauvais gars.
Tu aurais pu me demander les clés. C’aurait été plus simple. Mais mon, comme d’habitude tu as voulu jouer en solo, du toi-même. Pas mal ton coup de clef à molette pour faire péter le barillet. Oui, d’accord, c’était la clef à griffes que t’avait prêté ton pote plombier. Là, bravo, pas de bruit, t’as même pas dérangé le Francis qui regardait la téloche avec sa belle. T’es pas un mec dérangeant. Le Bébert m’a dit, le Gitan, c’est un propre. Il a raison, il te connait bien. Pas une merdouille par terre. Tu peux demander une certification qualité, c’est sûr, tu l’auras avec mention. C’est rare aujourd’hui les mecs qui mettent des gants pour pas saloper là où ils passent. À part les toubibs et les dentistes, il n’y a pas beaucoup de vrais soigneux.
Par contre il faut que je te le dise : Tu as été un peu salaud. Bon que tu pique de la joncaille à ma douce, ce n’est pas sympa, c’est dans le classique. Mais que tu me tire mon matos électronique, là, tu as poussé un peu la grand-mère dans les orties comme on dit dans mon bled. D’abord mon bazar pour écouter les disques de zique. Merde, ça vaut quatre sous, tu vas rien en tirer de ce truc-là. Et moi je suis comme un con avec le disque que m’a donné la Céline, tu sais, la nana du Mick qui joue du saxe et qui pousse la chansonnette avec son beauf Nico et sa frangine Rinette. Y parait que c’est du super beau boulot, et j’peux même pas en profiter. T’as aussi été vache avec moi de tirer ma babasse. J’ai un tas de bordel là-dedans. Y a les photos des gones de mes crevettes, les histoires que j’ai écrites et puis des tas de trucs. Dis, fais pas le salaud jusqu’au bout, si tu trouves des trucs pas trop homologués, tu fermes ta gueule et tu ne fais pas une expo avec. Mais sur ce sujet tu seras sans doute un peu déçu. Ah au fait, tu vas peut-être avoir une cagouille quand tu vas le mettre en route. Y va te demander le mot de passe. Alors plutôt que tu le foutes complètement en l’air, notes le mot de passe : « mot2passe ». Astucieux non ? Personne n’y avait pensé à ce mot de passe. Mais te fais pas baiser hein, ce n’est pas n’importe quelle bidouille ma babasse. Alors moi, je te dis, si t’en tire moins de quatre cent euros, c’est que tu es un naze.
Tu vois j’suis pas trop jouasse, mais alors ma douce, elle, est furibonde. Elle t’a traité de gros dégueulasse. Elle exagère, parce que ne t’es pas gros. Mais dégueulasse, elle n’a pas tort. Tu l’as foutu dans une sacrée panade. Tu as fouillé un peu tous les placards, c’est réglo, ça fait partie du boulot. Ne rien laisser au hasard. T’as même jeté tes chasses dans l’armoire à pharmacie. Tu te laisses pas avoir ! Remarque, tu as raison, je connais même une nana qui mettait sa joncaille avec ses tampax en pensant qu’un mec n’oserait pas mettre ses arpions avec ces trucs-là ! La chose qui lui a fait hocher la tronche, c’est que tu as pris soin de poser soigneusement les serviettes de toilette sur l’étendage. Tu vois, même quand elle est en rogne, elle apprécie la politesse. Par contre que tu ais foutu tes paluches dans ses boites à soutifs, là elle n’a pas aimé, pas du tout. Moi, je regardai par-dessus son épaule et quand on a vu les trois boites Cartier vides, on a fait la gueule. Ok, tu ne pouvais pas rater ça, mais y faut nous comprendre. Que tu ais laissé les bagouses Hermès comme de la quincaille, là t’es pas poli pour la marque ou alors, tu t’es planté. Tu l’a connais pas ma douce, mais y faut que tu saches que c’est une solide. Avec toutes les emmerdes qui lui sont passées sur le paletot, elle ne chiale jamais. Ce n’est pas une grosse cliente chez Kleenex ! Ben quand elle a vu que tu avais tiré les colliers de sa mère, là elle a eu des gouttes dans les quinquets. Ça m’a fait une bonne occase de la prendre dans mes brandillons, mais je préfère en trouver d’autres. Pareil quand elle a vu que la tocante de son dabe était plus à sa place, elle a presque chialé vraiment. Ça ton grand-père, il n’aurait pas aimé. Piqué des trucs aux dames d’accord, les faire chialer, ça non, là t’as pas été bon. T’as laissé tout un tas de joncaille sur le tapis. T’es louf ! D’accord, là-dedans il y avait un peu de merdouille de Prisunic. Mais t’as laissé aussi des bricoles qui valaient pas mal de radis. Pas con, elle les avait mis dans des boites ordinaires. Eh ! Fais pas le con ! Ce n’est pas parce que je dis ça qu’y faut te croire obliger de repasser. Quand t’as piqué ses parures, pour la grande, la triple, là tu devrais en tirer un bon prix, mais pour la petite, tu as dû avoir un moment d’absence, tu as tout pris, sauf une boucle d’oreille. C’est con ! Si tu la veux pour compléter le lot, passe un soir de la semaine prochaine, je serai là, je te la refilerai si tu me donnes une petite récompense.
Les deux lavettes carrées, c’est de la soie, ce n’est pas de la merde. Fais gaffe de pas fourguer ça seulement pour essuyer les lunettes. Surtout celles qui ont un H dans un coin. Tous mes foulards à moi t’en as pas voulu, j’ai pas vraiment apprécié ce dédain. J’ai aussi regardé dans le frigo, t’as pas touché à la bibine, tu deviens sobre ? Ou, c’est seulement quand tu bosses ?
Mon pote le gitan, mon pote le gitan, si Montand était encore là pour chanter ça sur scène, je lui foutrai sûrement une tomate sur la gueule. Et toi quand tu traverses la rue, vérifie que ce ne soit pas moi dans la bagnole qui arrive !
Albert
Pour les amis, rassurez-vous, le larcin a eu lieu en septembre 2011, c’est oublié, enfin presque !