Bonjour,

Je l'ai cherché, je ne l'ai pas trouvé. Le verbe procrastiner n'existe pas. Depuis longtemps déjà l'encyclopédiste a reporté à demain le moment de l'invention de ce verbe. Donc aujourd’hui le verbe n'existe toujours pas, demain peut-être et la terre continue de tourner. Étrange ! Pourtant j'aurais aimé avoir ce verbe à ma disposition pour mes plaisirs solitaires et partagés, je l'aurais conjugué à tous les temps. En premier lieu le temps du présent qui est étrange puisqu'on dirait en quelque sorte : je conjuguerai ce verbe au présent demain. Au passé : je remettrai à demain... Oui mais ce demain est aujourd'hui. Donc ce passé est très présent, et le futur devient éternel puisque toujours renouvelé. Le conditionnel devient inconditionnel puisqu'aucune condition ne m'empêche de reporter à demain mon objectif du jour. Le subjonctif verra sa cause sans conséquences et sera bien sûr inutile. Par contre, il est impératif de prendre en compte l'impératif. C'est la base de la doctrine. Il faut impérativement reporter à demain ce que l’on n’a pas eu le temps de faire hier.

J'ai toujours développé une certaine appétence pour cet art, voir même un certain talent de sa mise en œuvre. Oui Mesdames et Messieurs les censeurs, c'est bien d’art qu'il s'agit et non pas de laxisme comme vos langues fourchues veulent nous le faire entendre. Non point !

L’art de remettre à demain le bonheur d'une réalisation montre une indiscutable, une indicible croyance en l'avenir. L’art d'organiser ainsi sa vie suppose un attachement charnel aux nécessités essentielles. Toutes ces actions reportées n'ont en rien modifié le mouvement de la terre et des autres planètes. Jour après jour nous avons fait un tour, chaque jour à son tour. De tout temps en tout lieu les procrastinisateurs existent. Même en remettant au lendemain leurs propres procrastinations, l'espèce survit. Darwin a-t-il envisagé ce constat essentiel pour établir sa théorie ?

Ce talent à la procrastination, intégré dans les hélices de ma construction génétique me conduit à regarder la vie dans le sens d'un futur toujours proche, toujours renouvelable. C'est ainsi qu'il y a plusieurs mois, en passant devant mon ordinateur, je me suis dit : demain je l'ouvre !

Et j’ai tenu parole ! Chaque jour j'ai dit demain je l’ouvre et j'irai voir les communications de mes blogs amis, je compléterai mon propre blog, je lirai mes mails, j'irai sur la sur le Face book. Demain c'est promis !

Permettez-moi un instant d'auto-admiration pour avoir eu cette constance, cette force du report cette énergie à m'économiser. Sincèrement je suis fier de moi pour cette maîtrise de la procrastination virtuelle.

Mais voilà aujourd'hui je reviens et c'est promis, chaque jour je ferai ce que j'aurais dû faire la veille. Que s'est-il passé ? Un impact de météorite a modifié mon cycle si bien organisé ? Mais non ! Seulement besoin inéluctable de reporter d'autres tâches m’a conduit à modifié considérablement l'organisation de mes retards. Il faut dire aussi que pendant cette période mon jardin est devenu presque parfait, la cour de la maison est propre, le volet est réparé. Un voyage à Paris, un autre à Rome et une balade bénéluxienne m’ont consommés du temps. Je me suis aussi occupé de ma personne en passant quelques semaines de séjour à Bride les Bains qui m’ont permis de laisser 30 Kg à coté de ma balance. Je suis donc en pleine forme. Certaines personnes m’ont envoyé des messages pour me demander la cause de mon silence. J’ai considéré ces messages comme des preuves de cordialité, cela m’a fait plaisir, j’en ai même été un peu flatté.

Alors, comme un ami de retour d’un long voyage, je vous dis bonjour, content de vous revoir et de vous retrouver avec votre talent que je ne manquerai pas d'aller déguster sur vos pages d'écriture.

© Pierre Delphin – 21 juillet 2010