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L'écritoire du baladin
L'écritoire du baladin
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20 mai 2010

Enfance (2)

suite…

Quand les enfants redescendent, pendant qu'ils sont encore dans le couloir, elle leur dit :

- Maintenant vous venez tous les trois avec moi, nous allons enlever les mauvaises herbes du jardin.

- Oh maman, on n'a pas envie. Nous préférons aller jouer.

- Mais je vous l'ai dit tout à l'heure. Dans la vie, il faut travailler. Alors, nous allons tous travailler ensemble au jardin.

Les premiers pas se font en maugréant, mais déjà, ils reprennent leurs plaisanteries, fruits de leur plaisir d'être ensemble. À quatre pattes dans les allées, les mauvaises herbes sont arrachées et mises en petit tas. Albertine en souriant fait un signe de Paul qui a fait quelques oublis :

- Tu vois, un jardin, c’est comme un ami, il faut bien le soigner, bien s’occuper de lui. Il faut lui rendre visite souvent. Et lui pour te faire plaisir, il te donne de bons légumes et de jolis fruits. Regard les fraises vont bientôt être mûres.

- Je peux en manger ?

- Seulement quand elles seront bien rouges ! Mais laissez-en pour les confitures, bande de gourmands !

Après une demi-heure de travail, Albertine se lève et leur dit :

- Regardez votre ce que vous avez fait, voyez comme vous avez bien travaillé. Je suis sûr que le jardin vous dit merci. Et puis, papa Charles sera très content quand il va rentrer. Maintenant il faut que j'aille préparer le repas.

- Qui vient m’aider à éplucher les pommes de terre ?

Paul s'avance et se porte volontaire. Il sent la main d'Albertine sur sa tête et sur sa nuque en guise de remerciement.

- Tu es gentil, viens.

- Dis Albertine, c’est quand que Béatrice arrive ?

- Elle ne devrait plus tarder. Mais dis donc, tu es impatient ? Le temps te dure d’elle ?

Paul rougit un peu sans répondre à la question. Il va à la cuisine, le travail d’épluchage fera passer le temps plus vite. Il n'y a que cinq pommes de terre épluchées à côté de lui lorsqu'il entend le bruit d'un klaxon dans la cour. Ses mains s'arrêtent comme figées. Il sent son cœur qui bat fort dans sa poitrine. Albertine se lève ne le regarde pas directement pour ne pas déranger cette émotion. Elle quitte la pièce en disant simplement :

- Ils arrivent !

Lorsque Paul sort enfin de la maison, c'est pour voir Béatrice se jeter dans les bras d'une Albertine rayonnante, comme si cette spontanéité enfantine était la juste redevance à l'amour et à la tendresse qu'elle a su apporter. Lorsqu'elle se décroche du cou de sa tante, Béatrice s'avance vers Paul, son sourire contient tout le bonheur qu'elle a de le retrouver. Paul s'avance les yeux baissés par le poids de sa timidité. Mais quand il sent la main de Béatrice prendre la sienne, quand il sent son baiser sur sa joue, alors il sait que maintenant les vacances commencent vraiment. Il reste tous deux mains dans la main sous le regard amusé des adultes.

- Alors Paul, tu ne viens pas nous dire bonjour ?

Paul est bien obligé de lâcher la main de Béatrice pour aller embrasser ses parents. Les bises claquent sous le soleil de l'été, puis tous rentrent dans la maison.

Pendant le repas, le bout de table réservé aux enfants est une ruche bruissante de rires, de paroles qui s'entrechoquent, de mouvements désordonnés, de phrases commencées à peine finies, déjà interrompue par une interjection, un commentaire, une moquerie. Tout en parlant de leur côté, en échangeant les nouvelles de la famille, les quatre adultes les regardent avec tendresse. Après le café, après un instant de repos bienvenu sur la terrasse à l'ombre du tilleul, les parents de Béatrice repartent. Les mains sont encore levées lorsque la voiture passe le portail de la ferme.

- Dis, papa, on peut aller faire une cabane dans le bois près de la rivière. Tu me prêtes un couteau ?

- Pour la cabane, c’est d’accord, mais utilisez surtout les branches tombées. Tiens prends ce couteau et cette bobine de ficelle, mais sois prudent.

C'est Alexandre, qui dans son statut d'aîné, a posé la question et c'est lui qui entraîne la petite troupe dans le pré en direction du bois. Ils ne marchent pas, ils courent comme des cabris qui vont retrouver leur mère après une petite peur. C'est aussi Alexandre qui décide de l'endroit : la porte sera là, ici il y aura une fenêtre de guet, ici ceci, ici cela... Les trois autres ne contestent pas son autorité et déjà ils vont chercher les branches mortes dans le bois. Bien sûr Paul s'arrange pour rapporter les branches avec Béatrice, mais Joëlle un peu jalouse veut aussi travailler avec lui. En voyant Alexandre créer un entrelacs de branches, avec Béatrice, Paul sent un petit pincement au cœur. C'est à cet instant-là qu'il a connu sa première sensation de jalousie. Quand le soleil est arrivé à la hauteur des sapins de la colline, Alexandre dit :

- Aller, on rentre, on finira demain.

En s'écartant Joëlle regarde, leur travail dit :

- Elle va être super cette cabane ! Dit Alex, on va mettre un toit ?

- Bien sûr ! Nous prendrons des branches de la renouée du Japon près de la rivière.

- C'est quoi la renouée du Japon ? Demande Béatrice.

- C'est une plante qui pousse au bord de l'eau, il y en a beaucoup, c'est très sauvage.

Sur le chemin du retour, Alexandre parle avec sa sœur de copains du village, en se retournant il voit Paul et Béatrice main dans la main qui parlent à voix basse. D’un air gentiment moqueur, il leur dit :

- Oh les amoureux ! Oh les amoureux !

Un instant, ils se lâchent la main et c'est Béatrice qui d’un ton sentencieux dit :

- Non ! On n'est pas amoureux, on est amis !

- Oui, mais les amis et ça ne se donne pas la main !

- Eh bien nous si ! Tu n'as pas intérêt de cafter !

Avec un rire contenu Alexandre baisse les yeux devant cette petite voix autoritaire, non sans avoir remarqué que les deux mains s'étaient retrouvées.

Les mains sur les hanches, Albertine les voit arriver. Elle aperçoit les deux mains qui se séparent. C'est en souriant qu’elle leur dit :

- Vos chaussures sont pleines de boue. Allez les laver dans le bassin avant d'entrer dans la maison. Ensuite vous allez faire votre toilette avant le repas.

Croyant la salle de bains disponible, Paul pousse la porte qui n'est pas verrouillée. Béatrice et Joëlle sont là en train de se coiffer, elles n'ont que leur culotte pour vêtement. Écarlate, Paul ferme brusquement la porte et regagne vite sa chambre. Béatrice hausse les épaules et fait un petit sourire à Joëlle dans la glace.

À table, ils expliquent aux parents en se coupant volontiers la parole, le plan de leur cabane, comment elle va être, ils envisagent de planter des fleurs devant. Joëlle demande :

- Dis maman, tus nous donnera du jambon et de la salade. Nous pourrions organiser un repas dans la cabane, et vous seriez nos invités.

C’est Charles qui réagit en riant :

- C'est une très belle idée. Je veux bien être votre invité. Qu’en penses-tu Albertine ?

- Moi aussi, je sens que ce sera une vraie journée de vacances pour moi !

Plus tard, ils jouent avec les animaux dans la chambre d'Alexandre. Bien sûr le lion est nommé roi... Au toc-toc sur la porte, ils lèvent la tête pour voir Albertine qui annonce que c'est l'heure du coucher. Sur le palier Paul profite d'un croisement avec Béatrice pour poser un baiser sur sa joue. Elle entre dans la chambre de Joëlle, un petit sourire dans son visage.

Fin…

© Pierre Delphin – avril 2010

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Commentaires
M
Juste un coucou pour vous souhaiter un très bon W.E. <br /> Bisous - Monelle
H
C'est vraiment trop attendrissant, merci, merci pour ce beau texte et cette part d'enfance intacte que tu nous fais partager.
M
Un beau récit qui fait remonter des souvenirs d'enfance ! <br /> Gros bisous - Monelle
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