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L'écritoire du baladin
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26 avril 2010

Vengeance tardive … (5)

suite…

Le voyage a été long, pénible. Antoine est presque heureux d’être arrivé dans sa cellule. C’est une très vieille prison, une solution d’attente pour trouver une autre place lui a dit le convoyeur. Il est seul, c’est à peine propre. Peu importe, il s’allonge sur le matelas en repoussant le drap et les couvertures pilées sur le lit. Cette sorte de paillasse est suffisante pour contenir son corps qui contient sa pensée. Sa pensée qui se concrétise par une image, celle du visage de Sofia qui s’impose à lui dans un halo de lumière. Si l’image a quelques déchirures, c’est une tendresse profonde qui s’en exhale et qui emplit la pièce. Avec cette seule image dans son esprit, tout devient beau dans cette cellule sans âme.

Sofia, l’a quitté il y a deux ans. Un ensemble de malentendus qui ont opacifié la tendresse. Cette tendresse qui les avait réunis puis unis. Ses mains sont sous sa tête, quasiment confortable, comme en vacances. Il ne perçoit pas l’inconfort de la dureté et de la médiocrité du matelas. Il entend le judas de la porte qui s’ouvre puis se referme, le gardien le surveille. A-t-il peur qu’il fasse un mauvais geste ? Derrière ses yeux clos la lueur réapparaît sur son écran, c’est le film d’un pan de sa vie qui défile, sombre et lumineux, bouleversant.

Soirée Béarnaise, il ne se souvient plus où, dans quel village. C’était dans un village, il en est sûr. Une salle bien décorée, un buffet somptueux, la musique traditionnelle, puis la musique de danse. La fête bat son plein, dans un coin de la salle une jeune fille est là seule assise sur un banc. Il ne connaît que peu de monde, il s’assoie à côté d’elle. Bonjour, je m’appelle Antoine. Bonjour, je m’appelle Sofia. Le lendemain, main dans la main, ils marchaient dans le parc Beaumont près du centre de Pau. Deux mois, ils ont ainsi marché, parlé, beaucoup parlé. Sofia était une jeune fille très réservée, très pudique. Elle l’avait souvent laissé perplexe. Elle était ouverte dans la discussion sur tous les sujets, mais dès qu’Antoine parlait d’elle, elle déviait la conversation. Un jour, il s’en souvient en rougissant, il avait voulu aborder le sujet de la sexualité. Il s’est heurté à un mur de silence, dur et froid.

Plus tard dans sa chambre alors qu’ils échangeaient un baiser, il a posé sa main sur sa jambe, puis cette main a glissé, indiscrète. Sa réaction a été vive, trop vive. Non, Antoine pas ça ! Puis elle a pleuré. En silence elle s’est serrée contre lui comme une personne à l’eau se colle contre une bouée.

Ce n’est que la semaine suivante qu’elle à commencer à lui parler, à se confier. D’abord avec quelques mots épars, puis le débit s’est accéléré comme le flot d’une baudruche qui se désemplit. Elle a beaucoup parlé de sa mère, femme de service dans trois familles de notables de la ville. Elle a un peu parlé de son père employé chez l'un de ces notables, un quincaillier. Elle a parlé de cette vie de gens simples, parfois difficile mais heureuse. Puis elle a parlé. Elle a parlé de cette fin de journée où elle est allée chez l’un des notables pour porter un colis. Sa mère le lui avait demandé, elle avait quinze ans. Elle avait accepté, elle aimait faire plaisir et rendre service à sa mère. Elle a parlé de ces trois hommes ivres qui l’ont accueillie. Elle a parlé de sa peur. Elle a parlé de la musique, trop forte sur laquelle ils ont voulu la faire danser. Elle a parlé de ses vêtements qu’ils lui retiraient en riant. Elle a parlé de la force des gestes, de la force, des menaces sur sa mère, sur son père. Elle n’a à peine parlé de leurs gestes pour dégrafer leurs pantalons. Elle n’a pas pu parler de la suite.

Antoine a compris en posant sa main sur sa hanche, que son sexe, tout son bas ventre étaient devenus un enfer. Il lui a fallu un an de patience, d’abstinence pour le reconquérir. Enfin presque…

Un autre jour, elle a parlé de la mort de ses parents. Suicidés. Elle leur avait avoué l’incident, ils s’étaient tus par peur. Puis un jour ils sont allés sur les bords du Gave, ils ont sauté, ils ne savaient pas nager. Le flot les a emportés, bercés l’espace d’un moment puis abandonnés, dans une courbe, sur la grève. Un promeneur les avait trouvés, trop tard.

Puis entre Sofia et lui, la vie s’est installé, incertaine. Rien n’est vraiment bien allé dans leur vie intime. Antoine était malheureux, souvent frustré. Elle, se rendait compte qu’elle le rendait malheureux. Un jour elle est partie.

à demain pour la suite…

© Pierre Delphin - avril 2010.

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Commentaires
A
Moi qui n'aime pas les polards ;-)<br /> Mais tu nous dévoiles bien vite le mobile... <br /> <br /> A bientôt pour la suite.
M
C'est un vri roman que tu nous écrit... vite la suite !!!<br /> Bon début de semaine encore pleine de soleil !<br /> Bisous à vous deux <br /> Monelle
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