Ceci est le cinquième opus de cette année d’atelier d’écriture (*). La consigne était : Évoquez un cadeau mémorable.
Chère Jeanne,
Ce matin j’ai pensé à toi. Mon insomnie matinale était-elle due à cette pensée ou est-ce cette pensée qui à entretenu l’insomnie. Qu’importe. En fait, et cela en apparence n’a rien à voir, je pensais aussi aux cadeaux qu’il me reste à faire pour Noël. Pour les enfants de la famille, pour la famille, les amis. Pour toi j’hésite encore, mais chut, c’est un secret !
Ce matin, je me suis souvenu de ce jour où je t’ai rencontré pour la première fois. Tu avais une très belle robe noire, élégante avec une broche en or et une ceinture rouge. Rouge comme les montures de tes lunettes que tu portais à l’époque. Je cherchais des informations sur le plan comptable auprès d’un expert. Tu étais cette experte avec qui j’avais rendez-vous. Il ne t’a fallu que trois minutes pour que tu mettes fin à mes angoisses. Sans doute grâce à la qualité de ton sourire d’accueil et à ta poignée de main pleine de franchise. Je me souviens avoir pensé : - Tiens, c’est quelqu’un qui ne triche pas ! Une heure plus tard, j’avais les réponses à mes questions techniques, mais en plus, je trouvais cela amusant. C’est vrai que tu as réussi à me faire rire en parlant de comptabilité. Quel talent ! Je ne sais pourquoi, mais à la fin de l’entretien tu m’as laissé ta carte en me disant : - Au cas où… S’il y a d’autres questions…
Ce matin, je me suis souvenu avec quel soin j’ai rangé cette carte. Avec quel empressement je t’ai rappelée une semaine plus tard pour t’inviter au restaurant parce que j’avais encore quelques questions, t’ai-je dis. J’entendais ton sourire au téléphone lorsque tu as accepté. Tu m’as donné le bonheur de t’accueillir dans ce bouchon traditionnel où je t’ai posé des tas de questions. Aucune n’avait trait à notre activité professionnelle. Est-ce que j’ai tenté de te faire la cour ? Peut-être, mais cette partie de ma mémoire reste floue. En tous cas je me souviens que nous avons beaucoup ri pendant ce repas. Je me souviens de ton rire avec des notes aiguës toutes en retenue.
Ce matin, je me suis souvenu qu’après ce repas notre comportement était très amical, très gai (Le beaujolais ?) et que tu as accepté d’aller faire une promenade digestive au le parc. Dans les allées, nos rires se sont calmés. Nous avons parlé de la vie en général, de nos émotions, des autres. Tu étais, tu es toujours très attentive au bonheur des autres, à leurs souffrances. C’est à ce moment là que j’ai commencé à t’admirer toi la femme complète. Belle, intelligente, sensible. C’est à la roseraie que nous avons le plus échangé de nos pensées, de nos personnalités. Chaque massif était le support à un nouveau thème de confrontation et de convergence de nos points de vue.
Ce matin, je me suis souvenu qu’après cette journée, nous nous sommes revus souvent. Nous nous sommes écoutés en respectant nos silences. Nous avons été présents quand l’autre subissait les misères de la vie. Nous avons été présents pour partager les bulles de bonheur dans les bulles de champagne.
Ce matin, je me suis souvenu que pour moi un cadeau est quelque chose que l’on donne pour s’enrichir. Que c’est quelque chose que l’on donne pour faire pétiller des yeux que l’on aime.
Ce matin je me suis souvenu que le plus mémorable cadeau que j’ai reçu, c’est celui de ton amitié. Pure, complète, inaliénable.
Ce matin, je me suis souvenu que j’avais oublié de te dire merci Jeanne.
Paul
Mail reçu deux jours plus tard :
Paul,
J’ai bien reçu ta lettre. Là tu m’as épatée, tu t’es surpassé ! Un tel romantisme est merveilleux. Cela m’a d’abord fait sourire, j’ai cru que c’était un extrait de la collection Harlequin !
Me considérer comme un cadeau, là tu exagère ! Tu me vois dans un emballage ? Alors choisis un papier bien opaque pour qu’on ne voit pas mes rides. Et puis je plains le livreur car depuis quelques années, comme tu l’as remarqué j’ai pris un peu de poids et il faudra qu’il soit costaud pour monter les étages !
Bon, aller je plaisante. En fait ta lettre était pleine de gentillesse, comme d’habitude. Mais tu devrais calmer cet excès de romantisme quand tu écris. Mais c’est sympa de rappeler l’époque où nous avons fait connaissance, cela à rafraichit agréablement ma mémoire.
Si tu veux me faire un cadeau, je te propose de m’inviter samedi soir au Café des Fédérations, ça fait longtemps que je n’y ai pas mangé et j’en ai de bons souvenirs de l’époque de Fulchiron.
Mais promis, tu ne me fais pas la cour ! Les hommes j’ai déjà beaucoup donné et de ce coté là je suis au régime. De l’amitié, beaucoup d’amitié, mais rien que de l’amitié.
Tu es un ami rare, qui m’est très cher, indispensable.
Bises,
Jeanne
© Pierre Delphin – décembre 2009
(*) Atelier d’écriture UTA Lyon dirigé par Jean Marc TALPIN
http://ecriture.uta-lyon.fr/talpin/index.htm