- Marie, Marie, où as-tu mis le verbe aimer ?
- Oh, excuse-moi, j’ai oublié de le remettre dans le dictionnaire, je l’ai laissé dans mon nom.
- Remarque, il est bien dans ton nom, c’est aussi une place naturelle.
- Mais au fait pourquoi en as-tu besoin ?
- Je te l’ai dis ce matin, je vais faire un tour au marché.
- Et tu as besoin du verbe aimer avec toi pour faire le marché ?
- Évidement ! Comment veux-tu que je choisisse des légumes et des fruits sans lui. Ce que je vais choisir, je vais en regarder la forme, la couleur. Je vais le toucher pour savoir si cela me semble frais. Je vais le sentir pour déjà percevoir l’odeur qui explosera quand tout ça sera dans la cuisine. Ce que j’achète, ce n’est pas que de la nécessité, c’est de l’amour. L’amour des bonnes choses. Il faut acheter avec sa tête et avec son cœur, pour le plaisir que je vais avoir en le dégustant, pour le plaisir de le cuisiner pour toi en imaginant le plaisir que tu auras en le dégustant à ton tour. La cuisine, c’est le plaisir de faire plaisir.
- Je ne sais pas encore ce que je vais manger, mais j’en ai déjà l’eau à la bouche ! Mon amour, tu es le meilleur spécialiste du verbe aimer que je connaisse.
- C’est pour cela qu’il faut un verbe aimer bien fort pour faire son marché. La cuisine ce n’est pas seulement se nourrir, c’est un acte d’amour.
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- Marie, Marie, tu viens te promener ?
-Oui, volontiers, je t’accompagne. Le temps de mettre mes chaussures de marche et mon pull.
- Oh ! Tu es très belle comme cela, très élégante. As-tu pris le verbe aimer avec toi ?
- Mais tu sais bien qu’une Marie a toujours le verbe aimer avec elle ! Est-ce vraiment utile pour une promenade ?
- Absolument, indispensable. Comment pourrions nous être dans la nature sans le verbe aimer ? Tiens regarde tous ces petits nuages blancs qui picorent dans le ciel. Ce bleu est magnifique, immense. Là, on dirait des petites poules qui se régalent de beauté. Regarde, le coq est caché sur la colline, derrière les sapins.
- Tu as raison, sans le verbe aimer nous ne pouvons pas apprécier toute cette beauté. Là ce sous-bois, est-ce que sans le verbe aimer sur ton épaule tu serais capable de voir ces rais de lumière dans leur diversité de teintes et de luminosité comme une harpe illuminée par un arc en ciel ?
- Regarde le ruisselet comme il est beau. Si je laisse le verbe aimer au fond de ma poche, j’entends un bruit d’eau. Maintenant je le pose sur mon oreille, viens approche toi de moi. Écoute. Il ya des murmures, il y a des clapotis, il ya des chuintements, il y a des glouglous, des claquements, des vibrations. C’est une symphonie, c’est un orchestre de lutins !
- Là haut derrière le buisson, la biche qui nous regarde passer. Elle reste là tranquille parce qu’elle sait que nous avons le verbe aimer entre nous. Sinon elle serait déjà partie très loin. Toute la nature nous dit son amour.
- J’aime bien me promener avec toi quand nous partageons entre nous le même verbe aimer. Viens donne moi la main, quand nous serons rentrés, nous ferons du feu dans la cheminée.
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- Marie, Marie, tu viens te coucher ?
- Déjà, tu es très fatigué ?
- Non pas du tout, mais j’ai envie d’être avec toi. Dis moi, où as-tu mis le verbe aimer ?
- Je l’ai pris et je le garde sur moi bien caché.
- Montre-moi mon amour, dis-moi où il est.
- Pas question, je ne dirais rien, ni sous la torture ni sous les baisers. C’est à toi de le découvrir. Mais attention, si tu fais des gestes brusques, il va plus se cacher encore et tu ne le trouveras pas.
- Alors allonge-toi là à coté de moi, je vais commencer mes recherches. Serait-il sur tes lèvres ? Sur ta langue ? Je vais chercher avec les miennes.
- Hum que ta recherche est agréable ! Continue à chercher encore, même s’il n’est pas tout à fait là.
- Ce joli chemisier blanc ne serai pas une cachette idéale pour le verbe aimer ? Un bouton, deux boutons… Que c’est joli ! Mais je ne le vois pas encore. Peut-être derrière ce petit bout de dentelle ?
- Fais doucement, au cas où il soit là, il ne faut pas l’effrayer. Continue, oui comme cela tout en douceur. Hé là que fais-tu ? Tu le cherches avec tes lèvres ?
- Peut-être est-il caché derrière ce petit bouton rose ?
-Oui, cherche le bien, avec ta main également, comme cela il se laissera apprivoiser. Comme tu cherches bien !
- Je vais l’appeler ici dans la petite trace de ta naissance sur ton ventre.
- Je ne crois pas qu’il soit là. D’ailleurs arrête cette chatouille, vilain coquin ! Mais que fais-tu ? Pourquoi est-ce que tu dégrafe ma jupe ? Crois-tu que le verbe aimer se cache par là ?
- Un verbe aimer peut se cacher de partout, sur tout le corps d’une femme qu’on aime. Alors je continue tout doucement mes recherches. Peut-être derrière ce petit morceau de soie ?
- Allons allons, le verbe aimer ne se cache pas par là !
- Voilà, la soie est un tissu fragile qu’il faut manipuler et retirer avec soin. Le verbe aimer n’est-il pas là dans ce petit buisson ?
- Si tu continue à le chercher par là, moi je vais vérifier s’il n’est pas caché sur toi. Déshabille-toi un peu pour faciliter mes recherches. Oh ! Le caleçon avec des pompiers rouges ! Je ne l’aime pas du tout, enlève-le ! Maintenant, doucement viens contre moi. Je sens que le verbe aimer n’est pas loin.
- Oui, je le sens, il est là ! Nous l’avons trouvé ! Il est juste entre nous, ne bouge plus !
- Bouge un peu quand même, oui comme ça ! Écoute le verbe aimer ronronne.
- Chut…
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© Pierre Delphin – octobre 2009