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L'écritoire du baladin
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13 août 2009

Le voyage en Égypte -11-

Onzième jour,

Le rendez-vous a été fixé à 6h30. Petit déjeuner tout simple, compte tenu de l’heure. Il n’y a qu’une centaine de plats au choix. L’accompagnateur et le chauffeur sont là pour les conduire à la gare du Caire. Peu de circulation le matin et c’est en baillant qu’ils regardent l’éveil de la ville. Attente solitaire sur le quai de la gare. Bientôt, le train se met en place, un rangeur de bagages fait son métier, il range les bagages. Claudine et Paul s’installent, c’est confortable. Départ à l’heure. Les paysages vont maintenant se succéder à grande vitesse. Quartiers pauvres des villes et des villages (On ne va quand même pas mettre les quartiers riches près des voies ferrées !) Campagne très verte, très cultivée. Ils passent deux fois sur le Nil, il est vrai qu’ils sont dans son delta. Ils bavardent un peu, parlent des garçons, de ce lien indélébile qui les réunira toujours. Ils comparent leurs informations, ils essayent de se rassurer de les savoir heureux aujourd’hui, car ils savent combien ils ont été blessés de la séparation de leurs parents.

Arrivée à Alexandrie, un autre accompagnateur anglophone les accompagne jusqu’à l’hôtel Métropole. Attente pour l’installation dans cet hôtel au charme suranné. Bien que déjà rénové, il mériterait à certains endroits une ultime retouche. Chambre avec vue sur la méditerranée. Les voitures, les piétons grouillent dans les rues. C’est vivant, c’est exubérant. Ils sont dans une autre Égypte… celle d’aujourd’hui. Balade sur le bord de mer. Un restaurant sympathique avec une belle vue sur le port de plaisance. C’est bon, sans plus. Le guide du routard peut le sortir de ses préconisations. Mais peu importe, ils terminent le repas en se tenant la main et en regardant le balancement des bateaux.

Après le repas, ils entament une ballade pédestre dans les rues du quartier. Ils filent à gauche, à droite, tout droit. Ils traversent des rues, ils évitent des voitures et trois minutes plus tard, ils ne savent plus où ils sont, et bien incapables de retrouver leur chemin. Mais voici l’opéra d’Alexandrie dans une rue presque discrète. Puis le centre de la francophonie où des conférences ont lieu. Ils continuent la promenade en bavardant. Moments simples et agréables dans le charivari de voitures et de piétons. Puis le quartier des marchands. Alimentation, fruits et légumes à profusion. Parfois de bonnes odeurs s’échappent et viennent glisser une couleur orientale dans les narines. Les Alexandrins font leurs courses, et eux ils sont les seuls occidentaux égarés dans ce quotidien alimentaire. Ils se sentent les étrangers, presque les immigrés.

Puis ils passent dans la rue de la mercerie. On devrait plutôt dire qu’ils glissent dans cette rue en forme de U. Imaginez une rue, un couloir où il ne reste qu’à peine 50 centimètres pour passer, pour se croiser. Ici rien que des vêtements, que des rubans, foulards, boutons, broches… si vous cherchez quelque chose pour votre couture, c’est sûr, ici vous le trouverez. Ils se ressentent un peu d’audace d’avoir osé entrer seul dans un tel endroit. Claudine et Paul sont éberlués par ce qu’ils voient, ce qu’ils sentent, ce qu’ils entendent et se tiennent par la main pour ne pas se perdre. Quelques rues encore, et les pieds fatigués ils arrivent enfin à l’hôtel, bien incapables de retracer leur chemin sur un plan de la ville. Ils commandent verre au bar, et s’installent dans de confortables fauteuils d’où ils voient la vie du carrefour. Ils se regardent, et s’adressant à Paul, Claudine demande avec une petite voix :

- Tu te sens comment Paul ?

- Difficile de répondre, j’ai des sensations étranges. Du bonheur et de la peur.

- Tu n’es pas complètement heureux ?

- Ce voyage me rend heureux au delà de mes espérances. Le voyage par lui-même bien sûr, mais aussi grâce à ta présence. Tu m’as donné de la tendresse et je garderai un souvenir particulier de nos moments d’intimité. J’ai ressenti un grand plaisir de refaire l’amour avec toi.

- Alors pourquoi tu as peur ?

- Ce n’est pas précis. J’ai des difficultés à éliminer de mon esprit des images nocives. Et puis que va être l’avenir ?

- Tu sais Paul, moi aussi je pense à notre histoire. Dans l’album de ma mémoire, il y a de belles images, et bien sûr, comme pour toi, d’autres sont moches. Mais ce que nous avons vécu ici, enfin ce que nous vivons ici, ajoute à cet album de bien belles images. Je crois qu’il ne faudra jamais regretter cela. Mais tu parles d’avenir. Pour moi, d’ici peu, nous seront rentrés chacun dans notre maison, comme avant notre départ, nous aurons repris nos habitudes. Nous aurons juste la certitude que nous ne sommes pas des ennemis.

- Tu as raison la vie va continuer comme avant, mais avec une petite lumière en plus.

Claudine se penche, grave et prend la main de Paul dans la sienne en la serrant avec force.

- Paul, il y a une chose que je ne t’ai pas dite. Que je n’ai encore pas osée te dire.

- Que se passe-t-il ?

- Depuis quelque temps, il ya quelqu’un dans ma vie. Enfin, j’ai rencontré un homme avec qui je suis bien et avec qui je passe d’agréables moments. Il me presse d’accepter de vivre ensemble, mais j’hésite encore, je ne sais pas si je suis prête pour recommencer une vie de couple.

Paul l’écoute les yeux baissés, un peu comme un boxeur sonné. Bien sûr qu’il n’a plus aucun droit sur elle, bien sûr qu’elle est libre, mais la douleur qu’il ressent ce n’est peut-être que son orgueil de mâle qui vient de se faire bousculer.

- Tu sais Claudine tu es libre. Ce qui m’inquiète dans ce que tu viens de me dire, c’est qu’un jour il arrive que tu ne sois pas heureuse. Si cela devait être ainsi, viens vers moi, même si ce n’est que pour une demi-heure.

- J’aimerai que toi aussi tu trouves une compagne qui soit telle que tu l’attends.

- Oui peut-être, mais pourquoi as-tu accepté, parfois provoqué cette intimité que nous avons partagée avec tant de plaisir.

- Oh Paul pour une seule raison ; J’en avais envie. Quand j’ai reçu ton premier mail, j’ai eu envie de refaire l’amour avec toi, et crois moi, je ne le regrette absolument pas.

- Même en pensant à ton ami ?

- Oui, absolument ? Je veux garder mon espace de liberté, même dans ce domaine.

- Merci pour ta confiance, merci de m’avoir fait cette confidence. De mon coté je ne sais pas de quoi ma vie sera faite pour ces prochaines années. Je ne cherche pas à créer des conditions de rencontre amoureuse. Mais par contre je me constitue petit à petit un réseau amical qui m’est très précieux. Je trouve du bonheur et mon équilibre comme cela.

- J’en suis heureuse pour toi, Paul.

Ils se levèrent pour regagner leur chambre. Dans l’ascenseur poussif, Paul pris les deux mains de Claudine dans les siennes et la regardant dans les yeux :

- Crois-tu que si nous avions eu des discussions comme celle-ci avant notre rupture, que les choses entre nous auraient été changées ?

- Oh, sans aucun doute, mais voilà nous avons eu notre histoire, et nous sommes aujourd’hui en train d’en écrire une autre page.

En silence, ils marchent dans le long couloir sur une épaisse moquette. Petit repos dans la chambre, leurs jambes n’ont plus l’habitude de tant marcher. Ils restent étendus cote à cote, silencieux avec leur discussion qui flotte dans leur esprit. Le soir le repas est prévu à l’hôtel. La salle s’appelle la galerie Versailles. Comme le reste de l’hôtel, c’est grand, vieillot, très haut de plafond. La salle fait cinquante mètres sur huit. Seule une table est occupée avec deux couples d’Anglais.

Buffet et repas sympathique mais sans grande originalité. Les Anglais partis, ils sont seuls dans cette immense pièce, avec quatre serveurs qui s’occupent d’eux. Le repas terminé ils regagnent leur chambre et se préparent pour la nuit.

Lorsque Claudine s’approche du lit, Paul, déjà couché, lui tend les bras/

- Viens dans mes bras, j’ai envie de te sentir contre moi.

- Moi aussi, j’ai envie d’être dans tes bras.

Claudine s’allonge, se blottie dans les robustes bras de Paul, comme une enfant cherchant protection. Elle est bien. Leurs bouches se trouvent et c’est le sommeil qui met fin à ce baiser.

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