Neuvième jour,

Claudine, Paul et les autres passagers se lèvent tôt et sortent sur le pont les yeux embrumés. Le voyage vers le sud est terminé. À cinq heures et demi, avec les valises, ils grimpent dans la barque qui les conduit au minibus ; derniers "au revoir" et derniers « merci » de la voix et de la main. Longue attente dans l’aéroport, les accompagnateurs sont prudents avec les horaires. Vol au-dessus du désert de la vallée du Nil. Une heure plus tard, Paul crie à Claudine :

- Regarde !

Trois triangles apparaissent à l’horizon. Ce sont les pyramides, c’est mythique. Vu d’avion, la ville les enserre, c’est troublant.

Antoine, un nouveau guide les attend à l’aéroport. Il affronte la circulation Cairote. C’est extraordinaire. Ça circule dans tous les sens, ça klaxonne sans arrêt, ça fume, mais ça passe, sans jamais faire preuve d’agressivité. Est-ce une autre planète ? Le guide égyptien dit à propos des feux rouges :

- En France les feux rouges sont impératifs.

- En Italie, ils sont indicatifs.

- En Égypte, ils sont décoratifs !

La vérité, la réalité, en fait, ne sont pas très loin de cela.

Sans sortir de la ville ils sont au pied des pyramides. Un moment plus tôt, du minibus, ils ont vu se dresser leurs pointes par dessus le toit d’un immeuble. C’est saisissant, surprenant, énorme. Chacun d’entre eux connaît les pyramides, a vu des photographies, mais voilà ils sont là, à leur pied ! Celle de Chéops représente le travail de 100 000 hommes pendant 20 ans. Ils regardent l’ensemble, les détails, le torticolis les guette. Quelques explications du guide, intéressantes mais pas assez détaillées. Il lui manque ce petit éclat de passion qui transforme un instant de culture en moment de bonheur. Claudine dit à Paul qu’elle regrette la qualité du Guide Mohamed sur le bateau. Partage entre le plaisir d’être là et la tristesse de voir ce site prostitué au tourisme. Un immense parking d’autocars a été très adroitement organisé entre la pyramide de Chéops et celle de son fiston Chéfren. Le petiot, Mychérinos se trouve un peu loin, protégé des ces admirables barques climatisées qui transportent vers un au-delà connu des touristes friands de transferts tarifés. Les pharaons ici présents doivent se taper la coiffe contre les pylônes de leurs temples. Le sol est jonché de détritus touristiques. Paul essaye de prendre quelques photos adroitement cadrées pour éviter ceci ou cela et qui figent à jamais le souvenir d’avoir été là ! Paul demande à un touriste japonais de prendre une photo de lui et Claudine devant les pyramides pour garder un souvenir tangible de ce voyage. Ils s’arrêtent un instant pour saluer le sphinx. Personnage hermétique dont l’immense corps de lion est surmonté d’une tête humaine. Force et intelligence, il défend l’entrée de la sépulture royale de son pharaon bien-aimé Chéfren.

Dans cette promenade sur l’histoire, Claudine s’accroche au bras de Paul en rouspétant contre ses chaussures mal adaptées à ce sol caillouteux.

Déjeuner classique dans un bel hôtel. Ils auraient préféré un endroit plus typique. Le grand luxe ils le retrouvent dans l’après-midi. L’hôtel Marriott est gigantesque, ça brille de partout, des statues, des fleurs. Une chambre immense, un environnement magnifiquement artificiel.

Le soir, avec le groupe, devenu leurs amis, ils organisent un dîner d’adieu, puisque le reste du groupe rentre sur Paris le lendemain matin. Ils sont heureux d’être ensemble, d’avoir vécu et partagé quelque chose de bon et d’agréable. Ils sont chargés d’émotions et de bonheurs communs. Chaque verre partagé est un symbole d’amitié. Ils parlent de vacances, un peu, très peu de leur travail, mais beaucoup de leurs familles et des enfants grands ou petits, restés à la maison.

La chambre, immense est un excès de luxe. En particulier le lit qui a une largeur extraordinaire. Claudine profite voluptueusement de la salle de bain en marbre gris et blanc. À son tour Paul va prendre une douche bienfaisante. En sortant de la cabine, il trouve Claudine enroulée da sa serviette de bain, assise sur le bord de la baignoire qui le regarde en riant :

- Tu as pris un peu de ventre, mais tu es encore bel homme !

- Tu n’as pas honte de regarder les hommes tout nus ! Viens ici chercher ta punition.

Claudine s’approche, et quand Paul la prend dans ses bras, la serviette sans doute mal nouée tombe. Les bouches se retrouvent dans un baiser passionné, les mains s’égarent et Claudine murmure à Paul :

- Non, pas ici, viens, allons essayer ce grand lit.